edito

 

Aller de l’avant, bouger librement, aimer, danser, rire et chanter. 
Nous nous accrochons encore, avec un soupçon de mauvaise conscience, à ce qui pourrait ressembler à un privilège.  
Car les objections et les injonctions fusent. Hé, ho, et le monde, alors ? Le monde avec ses satanées turbulences environnementales, sanitaires, électorales, géopolitiques, ce monde-là nous y autorise-t-il vraiment ?

On citera Romain Gary et son Éducation européenne dont la pertinence ne s’émousse pas à travers les âges :
« La vérité, c'est qu'il y a des moments dans l'histoire, des moments comme celui que nous vivons, où tout ce qui empêche l'homme de désespérer, tout ce qui lui permet de croire et de continuer à vivre, a besoin d'une cachette, d'un refuge. Ce refuge parfois, c'est seulement une chanson, un poème, une musique, un livre ». 

On le répète ici chaque année, en prenant tout de même soin de ne pas trop plomber l’ambiance : loin de nous l’idée de plonger la tête dans le sable en quête d’un Éden illusoire aux couleurs chatoyantes. Ce ne serait ni très glorieux, ni très malin.Et puisqu’il est question de sable, rappelons que c’est par-delà les déserts et les mers que se perpétuent ces vivantes traditions musicales que nous chérissons entre toutes. Seckou Keita, Sahariennes ou encore Richard Bona ne manqueront pas de nous le rappeler. 

Alors certes, la réalité du moment est un peu âpre et sidérante, pour nos générations biberonnées à la paix, à la démocratie, à la liberté d’expression. Autant d’acquis que l’on avait tendance à tenir pour immuables.
Ce serait éventuellement l’occasion d’appréhender avec un peu plus d’acuité le quotidien de celles et ceux que l’on se réjouit d’accueillir chaque été à Fiest’A Sète. De prendre la juste mesure de ce qui irrigue leur art. De goûter toute la saveur de l’espoir que ces artistes viennent chanter pour nous depuis maintenant vingt-cinq ans.

Espoir, courage, fraternité, paix, partage : des valeurs qu’inlassablement, avec eux, nous revendiquons. Et plus que jamais.
En l’espace d’un quart de siècle, nous aurons vu le monde en proie à des mutations et des glissements inexorables, comme avant et comme toujours, pour le meilleur et pour le pire.
On peut même s’enorgueillir, avec toute la candeur et la modestie nécessaires, d’avoir accompagné certaines de ces évolutions, en offrant un espace d’expression et de visibilité à celles et ceux qui œuvraient en première ligne au dialogue intercommunautaire, au partage des sons, des idées et des cultures, à la dénonciation des injustices et de la corruption, à la critique des vieux réflexes impérialistes, colonialistes ou patriarcaux. 

Accueillir Bonga ou Souad Massi, ce n’est pas seulement proposer au public un moment festif ou une parenthèse enchantée ; c’est aussi l’occasion d’appréhender une autre réalité que la nôtre, s’ouvrir au monde et prendre une leçon d’empathie. Il ne fait pour nous aucun doute que cette voie est la plus salutaire de toutes. 
Pour garantir à notre refuge une solide charpente, nous ferons appel à l’extraordinaire exubérance de la culture afro-cubaine, cette exemplaire joie de vivre qui transcende les clivages géopolitiques et qui nous a d’ailleurs inspiré la création de ce festival, il y a vingt-cinq ans. Et qui n’a de cesse de se réinventer, comme en témoigneront Omar Sosa, Alfredo Rodriguez et Cimafunk.  
Et pour un supplément de cette indispensable énergie positive qui est le plus performant des purificateurs d’air, on peut évidemment compter sur Fred Wesley, My Josephine ou encore David Walters et son généreux désir de métissages tous azimuts. 
Et pour tapisser l’abri d’un duvet à l’incomparable douceur, personne ne semble plus qualifié que Dom la Nena, Ayọ ou Morcheeba, dont la présence nous permet au passage de souligner le caractère à nouveau très féminin de cette programmation 2022.
Comme chacun le sait, notre abri est à ciel ouvert, en connexion directe avec la mer et les étoiles qui sont notre trésor commun et accueillant. Le Théâtre de la Mer demeure cet écrin magique où se déploieront les six grandes soirées thématiques, après une semaine nomade de concerts gratuits dans les communes du bassin de Thau.

Habitants du pourtour méditerranéen, visiteurs proches ou lointains, nous avons tous besoin de nous réunir, de nous connaître et nous reconnaître, de consolider nos liens, de vibrer à l’unisson, de partager la joie, l’émotion et la danse, pris dans le mouvement vivifiant qu’ensemble, nous savons incarner. 

Saisissons cette chance, retrouvons-nous encore.

Bienvenue à Fiest’A Sète !

L'équipe du festival Fiest'A Sète