EDITO
Qui aurait pu prédire ? C’est vrai, quoi, à la fin… Qui ?
Des glaciers à l’agonie, tout comme l’abondance ; des forêts en cendres, tout comme la confiance en nos « élites » ; un été qui voit fondre bien plus vite que prévu toutes les prévisions du GIEC ; un hiver de bombes qui n’en finit pas, à quelques encablures d’ici ; l’énergie en transition et en crise ; un climat social en fusion, en sécheresse alarmante ; et comme si ça ne suffisait pas, voilà le Sahel qui se découvre une passion mortifère pour les partitions wagnériennes. C’est nous, ou bien tous les signaux sont dans le rouge vif, où que porte le regard ? Hé, ho, n’en jetez plus ! Qui aurait pu prédire ?
Bon, admettons que nos chères musiques du monde n’ont pas grand-chose à voir avec le marc de café, ni avec la boule de cristal de madame Irma.
Si elles n’entendent pas révéler l’avenir du monde, elles savent en dire assez sur son état de santé actuel pour que nos esprits restent un tant soit peu vigilants. C’est simple, il suffit d’ouvrir un peu les oreilles.
Voilà en substance ce que nous nous échinons à seriner d’une année sur l’autre, parce que nous y croyons dur comme fer, comme nous croyons aux rencontres, au partage, à la tolérance, à l’ouverture, à l’empathie, à la fraternité, ces valeurs qui nous font encore avancer, plus de vingt-cinq ans après nos premiers pas.
On pourra toujours nous objecter que les croyances ne suffisent pas.
Nous répondrons que ce à quoi nous nous attelons sans cesse, à notre très microscopique échelle, bien-sûr, c’est aussi la mise en actes de ces convictions profondes.
À l’heure où nous écrivons ces lignes, dans les effluves de lacrymo et de poubelles cramées, voilà ce que nous sommes en mesure d’affirmer : nous sommes en paix.
Ce n’est pas une croyance, mais un fait.
C’est-à-dire que la paix existe dans nos esprits, pas par la grâce d’une pensée magique qui occulterait toute réalité un peu âpre, mais par la volonté sans cesse réaffirmée de faciliter les conditions de son maintien.
De quelle(s) paix parlons-nous ?
De celle que favorise le dialogue intercommunautaire prôné par Yemen Blues, Ladaniva ou Bekar.
Et de celle qu’il faudra signer enfin avec notre terre, comme nous y enjoignent Lucas Santtana ou Que Tengo.
Et de celle qui ne devrait jamais être négligée entre les corps sociaux, les corps physiques, entre humains, entre voisins, entre les femmes et les hommes, comme le clament les Amazones d’Afrique, Femi Kuti ou Gilberto Gil.
Nous sommes en ces paix-là, comme eux, avec eux. Mieux : nous sommes ces paix-là, même si le postulat semblera un rien présomptueux, voire mégalo.
Notre modeste contribution se résume certes à favoriser l’expression des crieurs de paix, à leur tenir haut le porte-voix, à les inviter sur notre magnifique scène, au-dessus des vagues et sous les étoiles, à prendre toute la mesure et toute l’importance de ce qu’ils viennent nous dire. Mais ce n’est pas rien.
Au fait, que disent-ils ? Et que disent-elles ?
Que dit Fafa Ruffino, des Amazones ? « Vous connaissez la Nivaquine ? Comme cet antipaludique, notre message féministe est très amer. La musique, c’est le miel qui fait passer l’amertume. »
Que dit Ravid Kahalani, de Yemen Blues ? « Peu importe d’où tu viens, ton langage est mon langage. »
Quelles questions pose Lucas Santtana ? « Où sont les civilisés ? Où sont les sauvages ? À combien de corps la transmission sera-t- elle nécessaire pour que l'humanité entende enfin le signal ? »
Et que dit André Manoukian, grand sage déguisé en amuseur public ? Il dit : « En 1815, un Arménien a sauvé la musique ottomane de l’oubli, à la demande du sultan, en la consignant sur des partitions. La grâce de la musique, c’est sa capacité de rassembler. Il n’y a qu’une vraie spiritualité, c’est celle de la musique, au fond. »
Et vous, qu’en dites-vous ? Nous comptons sur vous pour venir l’exprimer, en mots, en sourires, en déhanchements de bassin, comme il vous plaira, et faire valoir votre (et notre) droit à la joie, à la communion fraternelle, aux bras qui enserrent, à l’émotion partagée.
Rendez-vous, donc, du 21 juillet au 4 août, d’abord à la Scène de Bayssan, Poussan, Marseillan, Balaruc-les-Bains, et ensuite sur les gradins du majestueux Théâtre de la Mer pour célébrer, tout au long de nos six grandes soirées thématiques, les musiques cubaines, africaines-américaines, ouest-africaines, caucasiennes, balkaniques, brésiliennes, orientales.
On vous promet la fête, belle et radieuse, telle qu’on sait la faire advenir depuis maintenant 26 ans.
Merci de nous accorder encore toute votre confiance, et à très vite !
L'équipe du festival Fiest'A Sète