EDITO
Fiest’A Sète est de retour ! Notre minuscule sphère bleue perdue dans l’univers a donc effectué une révolution de plus, au terme de 365 jours, 6h, 9mn et 9s, parcourant son petit milliard de kilomètres annuel autour du soleil.
Passé le vertige, il faut bien zoomer pour évoquer ce qui nous intéresse ici.
Ce qui nous intéresse n’est pas forcément ce qui apparaît en premier : cataclysmes en tous genres, nouveaux, anciens, péniblement récurrents. Un festival…
Pour autant, difficile de faire abstraction, puisque la musique elle-même – c’est elle qui nous intéresse, bien sûr -, aussi abstraite soit-elle par essence, ne fait jamais abstraction de rien.
Au contraire, elle fait corps avec le vivant, nous explique la science.
Saviez-vous par exemple que les concertos de Mozart aident à faire pousser les tomates – comme ils ont probablement aidé Chucho Valdés, l’un de nos prestigieux invités, à devenir un géant de son temps -, et que le chant des oiseaux amplifie la croissance des arbres ?
Les arbres, les oiseaux, les tomates, Chucho, Mozart et nous, c’est ça, le vivant ; constitué des mêmes atomes, traversé par les mêmes rayonnements, les mêmes ondes, les mêmes fréquences.
Les bruits du monde, on le sait, ne sont pas toujours très soucieux de l’harmonie, trop souvent happés par la tentation de la stridence, du grondement sourd, de la déflagration.
Voilà pourquoi la musique n’exprime pas seulement la plénitude, l’élan vers le divin ou la joie solaire.
Le blues créole de Delgres, les revendications féministes de Nana Benz et Oumou Sangaré, les aspirations universalistes de Mademoiselle, Orange Blossom ou Maïa Barouh nous le rappellent assez : plutôt que d’ignorer nos ombres et pénombres collectives, il nous faut œuvrer ensemble, à notre très modeste échelle, à esquisser les contours d’un monde un peu plus lumineux, un peu plus respirable.
Car la musique est aussi capable de véhiculer de phénoménales forces de vie, un puissant flux d’espérance que l’on se plaît à rêver en éteignoir d’embrasements, en barrage contre la submersion des esprits par les fantasmes et fanatismes en tous genres, les crispations les plus mortifères, les passions les plus tristes.
Souvenons-nous par exemple que si le blues exprime souvent la douleur de vivre, il lui est aussi un remède, et cela vaut pour bien des formes musicales.
Alors, guérissons-nous, soignons-nous, dansons-nous, un peu comme a voulu le faire jadis Rodolphe Burger en réunissant sur scène des artistes libanais et israéliens pour honorer un monument de la poésie universelle, le Palestinien Mahmoud Darwich. C’était dans notre ville, il y a près de quinze ans, et nous voulons croire de toutes nos forces que cela pourrait se reproduire un jour.
En attendant, c’est entouré de deux magnifiques artistes franco-algériens, Sofiane Saïdi et Mehdi Haddab, que l’Alsacien tout-terrain nous revient pour réaffirmer son inflexible tropisme pour le métissage, sa fringale de dialogue interculturel que partagent bien évidemment l’ensemble des artistes invités cette année, de Mayra Andrade à Caravan Palace, de Ana Carla Maza à 79rs Gang, et nous avec.
Continuons avec eux tous de croire en la poésie, en la musique, en la transe, en leur grand pouvoir de réparation et d’unification ; multiplions les passerelles, les opportunités d’échange, de partage, de célébration des diversités ; écoutons les revendications d’appartenance et d’émancipation ; encourageons l’émergence de traditions futures ; chérissons le désir de paix, les manifestations de fraternité et de sororité !
C’est là notre responsabilité, notre privilège et notre place exacte depuis vingt-sept ans. Nous n’en bougerons pas, aussi longtemps que vous répondrez « présent » pour notre fiesta annuelle entre bassin de Thau et Grande Bleue, tant que vous nous témoignerez votre confiance et trouverez votre bonheur dans notre programmation exigeante, pleine de surprises, de découvertes et de plaisirs renouvelés, sous ces étoiles qui veillent sur notre minuscule tête d’épingle bleue.
Et puis, comptez sur nous pour revenir vous dire tout notre amour dans 365 jours, 6h, 9mn et 9s…
L'équipe du festival Fiest'A Sète